À Pierre-Marie

Mon Pierre,

c’est notre ultime rencontre. Toi qui égayais si souvent notre quotidien nous te voyons partir avec une infinie tristesse. Nous pensions tous que la vie heureuse continuerait toujours, avec ses joies simples, ses sourires, ses larmes quelquefois, mais aussi ces instants de bonheur que l’on trouvait au détour d’un rire éclatant, d’une histoire ringarde que tu savais trouver sur Internet. Mais il a fallu que la maladie vienne tout casser. Tu as lutté avec courage. Nous savons maintenant que tu savais que la fin arrivait à grands pas. Pour minimiser notre peine et l’angoisse qui nous envahissaient, nous, tes parents, tes frères et sœurs, tes filles, ta belle-mère et ton beau-frère, ton parrain, tes amis tu nous a caché la vérité.

Toi, le garçon rêveur, tu as cherché les grands espaces en courant autour du monde avec les différents bateaux de la Marine nationale sur lesquels tu as servi. Tu t’échappais mais n’oubliais jamais ton port d’attache. Tu trouveras au cours de grandes missions des joies et des peines comme celles de ne pas voir naître tes filles. Mais aussi des moments singuliers comme ce jour où le président de la République vint sur ton bateau te féliciter pour la naissance de Clémence. Jacques Chirac était en visite officielle dans un pays lointain où se trouvait ton navire qu’il voulait visiter. Je l’avais prévenu de ta présence et lui avais demandé de te saluer. C’était un type sympa Chirac ! Il aimait les hommes, les vaches et la tête de veau. Son aide de camps m’avait prévenu qu’il te dirait quelques mots et en avait avisé ton commandant de bord. Celui-ci ne sachant pas trop pourquoi le président voulait saluer un marin avait donc décidé de fayoter un brin. Et ce fut toi qui accueillis Chirac en grande pompe. On en rigolait encore ensemble en octobre en revivant la scène. Mais la vie ne fut cependant pas un long fleuve tranquille. Elle te cabossa après ton retour à terre. Elle ne te ménagea pas. Autour de toi des êtres chers te manquaient et cette absence altérait beaucoup ta joie de vivre. Heureusement le cercle familial te protégea, surtout ta mère présente à chaque instant et ta sœur ainée Caroline très attentive.

Et tu te réfugias aussi dans la musique avec une ribambelle de copains appréciant ton talent. Tu trouvas des joies profondes avec tes différents groupes et nous aimions aller te voir avec Christine revivre dans tes concerts. Tu avais encore tant de choses à faire ! Des voyages pour découvrir encore le monde, des rencontres sur les mers qui t’attiraient encore. Nous pensions, comme toujours dans les moments de souffrances, que les médecins feraient des miracles et que la vie vaincrait la maladie. Ton dernier bonheur fut de revoir et d’entendre tes filles. Tes larmes de joie furent émouvantes à ce moment-là car tu sentais le voyage presque terminé. Tu pars trop tôt et nous te pleurons. Mais à chaque instant notre pensée t’accompagnera désormais. Nos larmes ne sècheront pas et dans les yeux de tes filles nous verrons ton sourire. Quand tu retrouveras la mer dans quelques semaines, nous lui dirons qu’elle reçoit les cendres d’un brave garçon que nous avons eu l’immense joie d’avoir connu et aimé.

Je me rappelle qu’un jour, tu devais avoir quatre ou cinq ans, je te tenais la main pour traverser la route. Evidemment tu n’étais pas content. Et je t’avais dit » quand je serai vieux c’est toi qui me feras traverser parce que j’aurai peur ». Je ne pourrai malheureusement pas m’appuyer sur ton épaule quant ces moments viendront. Je serai seul. Mais ce que je sais, c’est que je sentirai derrière moi ta présence invisible et si rassurante. Au revoir mon garçon.

Mâcon le 4 février 2021.